On reprend la culture de l’image, avec cette fois un article dédié à quelques femmes photographes qui utilisent l’argentique. Dans de précédents articles, je vous ai parlé de Joyce Tenneson et vous ai partagé une conférence de Yulia Gorbatchenko. Aujourd’hui, je vous montre les images d’une Française, Sarah Moon, et deux Anglaises, Yevonde Middleton et Ellen Rogers. Ces trois photographes, en plus de leur technique de création commune, sont toutes des photographes de la femme. Mais aussi de la mort, du rêve, du souvenir… En route !
Sarah Moon
Sarah Moon est une mannequin et photographe française. Né Marielle Warin le 17 novembre 1941 elle exerce la profession de mannequin de 1960 à 1966 et se tourne vers la photographie à partir des années 70. Célèbre pour ses campagnes de publicité pour Cacharel elle est d’abord remarquée pour avoir une certaine complicité avec les mannequins, ce qui la distingue des hommes dans le milieu. Elle accède à la notoriété dans le Londres des années 1970 et devient la première femme à photographier le calendrier Pirelli en 1972.
Elle travaille pour de nombreuses marques et magazines tels que Vogue, Chanel ou Dior puis décide de se consacrer à une photographie plus personnelle, plus introspective, purement artistique.
Dans l’œuvre de Sarah Moon on retrouve quelques thèmes récurrents comme le souvenir, la mort, l’enfance, la féminité ou la solitude, tout ça accompagné d’un univers visuel lié au rêve et à la fiction. La photographe a un certain désir de détachement de la réalité et utilise pour cela des procédés de dégradation de l’image qui évoquent le temps, la décomposition, et la destruction. Outre les dégradations, le flou intervient dans une grande partie de ses photographies, particulièrement saturées.
Pour moi la photographie c’est de la pure fiction.
Inspirée par les photographes Guy Bourdin ou Helmut Newton, Sarah Moon cherche la « vérité de la fiction » et développe systématiquement une narration : « pas juste des images en studio posé les unes après les autres ».
Yevonde Middleton
Madame Yevonde est une photographe et féministe britannique née en 1893. Propriétaire de son propre studio, qu’elle monte avant la Première Guerre mondiale, elle souhaite se démarquer des portraitistes traditionnels. D’abord assistante pour une photographe célèbre, Lallie Charles, où elle apprend comment gérer un studio de portrait, elle ouvre son propre studio à l’âge de 21 ans. Réalisant assez vite que les imageries romantiques ne plaisaient plus à la société, elle décide de travailler sur une approche plus réaliste de son travail, en s’intéressant à la personnalité individuelle de chaque modèle.
Elle expérimente beaucoup que ce soient les poses, la lumière, le décor, et utilise régulièrement sa famille et ses amis comme sujet. Elle commence aussi à utiliser une multitude d’accessoires et de décor pour améliorer ses compositions. Pendant ses expérimentations et pour promouvoir son entreprise, elle commence à offrir des séances photo aux personnalités reconnues (habituellement des actrices et danseuses en vue). Ainsi son travail commence à apparaître dans différents magazines réputés de l’époque.
Au début des années 20, elle intègre l’association des photographes professionnels et devient la première femme à organiser une conférence. Son sujet ? Le portrait photographique du point de vue des femmes. Aux alentours de 1925 elle commence à accepter des commandes publicitaires et commerciales par les magazines et expose son travail à la Royal Photographic Society. À la fin des années 20 Madame Yevonde était une photographe reconnue, mais frustrée par la limite de la photographie noir et blanc. L’apparition de la photographie couleur dans l’imagerie commerciale des années 30 offre un challenge de taille à la photographe qui découvre le procédé VIVEX. Ce procédé particulièrement sophistiqué permet une retouche quasiment infinie (par exemple des défauts de peau) et deviendra sa marque de fabrique.
Au cours de l’année 1935, elle produit une série de portraits des femmes de la haute société en costume de la mythologie classique maintenant connu sous le nom de « The Goddesses ». Il s’agit d’une série créée de A à Z par la photographe, du choix des figures mythologiques à la sélection des femmes qui leur correspondent, en passant par la recherche des costumes et l’emprunt ou l’achat d’accessoires.
La fermeture de l’usine VIVEX en 1939 et l’abandon du procédé, dont elle était totalement dépendante, annoncent le retour au noir et blanc de la photographe. À 63 ans Madame Yevonde quitte son studio de Berkeley Square et va photographier les gens directement chez eux. Elle commence aussi à expérimenter avec la solarisation.
Madame Yevonde est reconnue comme étant une grande innovatrice, expérimentatrice, une pionnière de la photographie couleur, qui comme tous les vrais pionniers, n’avait pas peur de prendre d’énormes risques pour atteindre ses buts. Ses images sont immédiatement reconnaissables, hautement originales dans leurs compositions et fortement personnelles.
Être originale ou mourir
Ellen Rogers
La plus contemporaine de toutes, Ellen Rogers, photographe anglaise qui utilise la photographie et les procédés argentiques. Elle est principalement connue pour son travail de mode et de portrait. Née à Norfolk en 1983, elle développe un intérêt pour la photographie en assistant son père. Elle étudie au Goldsmith college à Londres où elle reçoit un master en photographie. Son travail de mode est publié dans les magazines comme Vice, Vogue Italia, The Guardian, et beaucoup d’autres. Elle est une rédactrice régulière du magazine web Lomography où elle écrit principalement au sujet de la photographie argentique et expérimentale.
Comme pour Sarah Moon, son travail est empreint d’onirisme, mais aussi d’une certaine mélancolie. « Spectrale » évoque la photographe. Obsédée par le surnaturel et l’occulte, Ellen Rogers s’inspire des thèmes mythologiques et religieux pour ses images. La mort en est d’ailleurs le principal sujet.
Un travail argentique en noir et blanc où la couleur est parfois ajoutée à la peinture sur le tirage. Rarement studio (le paysage britannique étant extrêmement important pour elle), souvent mis en scène, la Femme y est omniprésente. Flou et surimpression sont souvent de la partie, pour représenter peur, rêve, folie, ou souvenir.
Elle explicite son choix de la photo argentique par « une partie de confort, une partie d’amour, une partie de chaos ». Pour elle, l’une des forces de la photographie et que nous documentons quelque chose de réel, loin des interférences modernes ou de Photoshop. Elle cherche à capturer « son héritage et son sang » ce que seul un procédé aux sels d’argent est capable de reproduire.
La spiritualité en dehors de la religion est importante pour moi. Le mysticisme sans le dogme.
Voila… J’espère que vous avez fait de jolies découvertes avec cet article ! J’aurais pu citer encore d’autres photographes, elles sont nombreuses. J’ai même bien failli vous parler aussi d’Irina Ionesco et d’Emily Soto. Cependant la première cumule les procès à cause de l’utilisation des images de sa fille, enfant et nue. La seconde est très contemporaine, ses images tournent énormément sur les internets, et je pense qu’on la connait tous. Peut être aura t’elle le droit à un article dédié… En attendant vous pouvez retrouver son travail sur son site emilysoto.com allez y faire un tour, c’est magnifique !
Laisse moi le nom du photographe « argentique » qui te parle le plus en commentaire, et fais moi découvrir ton univers !