Laura Huguet est une jeune photographe française de naissance mais New Yorkaise de cœur. Après un BTS Photo elle a obtenu, comme moi, son bachelor en Photographie à Gobelins l’école de l’image. Membre de la promotion Photo 2020 elle a exposé son projet de mémoire aux anciennes douanes de Paris en septembre dernier et prend la parole aujourd’hui sur le blog afin de nous expliquer son projet en détail.

Cet article est le cinquième du cycle « Famille » des projets de mémoire des étudiants de la promotion Photo 2020 de Gobelins, l’école de l’image. Laura est notre invitée et, avec ses propres mots, elle va vous raconter son histoire et ses origines. J’espère que cela vous intéressera autant que son projet m’a fascinée !

The Prairie State, un projet de recherche généalogique

Une quête de la vérité qui n’avait pas lieu d’être. Aucune ombre au tableau et pourtant un besoin viscéral de savoir. C’est ce qui m’a poussée à réaliser un test ADN en 2019. Passionnée de généalogie et d’histoire, je me lance par curiosité dans cette aventure rêvant d’exotisme et de voyage en contraste avec la pâleur de ma peau. Des fragments d’histoires par-ci par-là, des ancêtres lointains venus des pays voisins qui sont les fondateurs de mon histoire familiale comme la majorité des Français. Rien d’extraordinaire ne semblait pouvoir illuminer ma vie.

Et cette nuit d’octobre, lorsque je reçois la notification de mes résultats, j’ignore alors que je ne serais plus la même. J’ignore alors qui représente dans mon histoire familiale les presque 50 % d’Écossais et Irlandais. Beaucoup trop proche pour être trop lointain, mais beaucoup trop éloigné pour que j’en connaisse l’origine. Je me livre alors à un travail de recherches et d’enquêtes durant des mois, et toutes les pistes me mènent à une seule personne : mon arrière-grand-mère maternelle abandonnée à la naissance. Une mère dénommée, mais un père inconnu. 

Comment ? Quand ? Pourquoi ?

Puis des interrogations sur ma propre identité. Qui suis-je si je ne sais pas d’où je viens ? Des questionnements sur ma propre personne, sur mes idées, mes envies, mes passions. Serais-je la même s’ils n’avaient pas été qui ils étaient ? La principale chose qui anime mon cœur depuis des années-lumière est un lien et un amour inéluctable, infaillible pour la culture américaine. Le seul endroit au monde où je me sens chez moi, où je connais le bonheur, ou mon âme palpite, et personne d’autre de mon cercle familial ne partage ça avec moi. 

Pourquoi moi ?

Et tout a pris son sens lorsque j’ai appris, après des nuits blanches à décortiquer mes résultats ADN et à contacter des inconnus à l’autre bout du monde, que l’homme inconnu, l’ancêtre introuvable, la racine de ce secret de famille, mon arrière-arrière-grand-père, était américain.

Comme si mes gènes me connaissaient mieux que moi-même. 

Le début d’une histoire

Au fur et à mesure de mes recherches et de mes découvertes, une histoire commence à se dessiner. Rien ne pourra jamais la représenter dans son exactitude puisque ces moments secrets n’ont appartenu qu’à eux. Mais les informations que j’ai en ma possession établissent déjà une première idée des faits : un trentenaire de la banlieue de Chicago débarque en Normandie en 1900.

À travers cette première série qui symbolise le commencement de l’histoire, j’ai voulu représenter de façon poétique et subtile le premier amour. Je reprends alors divers codes et symboles pour l’illustrer. Il m’était essentiel que l’eau soit au cœur de cette première série. Symbole de vie et de fertilité, elle évoque également la barrière qui sépare les deux continents. La robe blanche symbolise la virginité et le premier amour. 

Naissance d’une enfant

Germaine nait, mais n’est, hélas, qu’une erreur de parcours. Dès ses premiers jours de vie, elle est abandonnée et adopte le statut de pupille de l’État. Elle grandit en changeant de foyer une vingtaine de fois jusqu’à sa majorité. Aucun repère ni aucune réponse à ses possibles questionnements d’enfant, qui doit en plus travailler à la ferme en parallèle de ses journées d’école.

On rêve de quoi quand on ne sait pas qui on est ?

Pour cette deuxième série, je garde le code de la robe blanche qui représente cette fois-ci les robes de chambre des orphelinats dans les années 1910. Toujours dans l’illustration, j’essaye de représenter de façon onirique des moments face à l’inconnu. La position fœtale renvoie au lien de la mère et l’enfant qui est alors inexistant.

Une vie qui aurait pu être toute autre

Son identité n’est plus un mystère et Oliver Smith Harrisson retourne dans sa campagne de l’Illinois après son séjour en Europe. Sa trace est retrouvée dans les registres des embarcations depuis Dieppe jusqu’au port de Deslile dans le Mississippi. Des mois passent et il déménage. La lettre annonçant la naissance de son enfant en France n’arrivera jamais entre ses mains comme il est indiqué dans le dossier d’adoption.

Ça ne tenait à rien. Tout aurait pu en être autrement.

Et justement ? Quelle aurait été sa vie si on lui avait donné cette chance ? Une série d’archives familiales trouvée dans une brocante new-yorkaise me laisse rêver à cette vie stéréotypée. Une vie de famille faite d’événements heureux et classiques : un parallèle plutôt sombre et opposé à la réalité qui elle, n’a été que tristesse.

Un projet photographique pour retrace l’histoire

120 ans après la naissance de Germaine – qui fut un mystère dans notre famille – je lève le voile et je fais la rétrospection des années qui ont passé. Voici ce qui en a découlé. Des centaines de vies et de descendances, des souvenirs et des histoires.

Scénographie

Aux anciennes douanes de Paris, Laura a choisi une pièce complète, qu’elle a séparée en plusieurs espaces, créant une idée quasiment de pièces, de chez soi. Aux cadres contenant ses propres images, elle ajoute des éléments représentant l’idée qu’elle se fait de la vie de son arrière-arrière-grand-père : santiags, stetson, blés, chaise à bascule, etc… En supplément des photos qu’elle a elle-même réalisées, elle présente ses recherches par une collection d’images d’archives trouvées ou dont elle a hérité, sous différents formats, dont plusieurs frises de polaroids très impressionnantes ; et une carte du monde indiquant les différents voyages entrepris par ses ancêtres, chemins retracés grâce à des échanges, des lettres, et de longues recherches dont on comprend que c’est ca – plus encore que les images – le projet.

Conclusion

Le projet de Laura Huguet m’aura beaucoup impressionnée, je dois vous l’avouer. Dès l’entrée dans son espace, il était évident qu’elle avait mis son âme, son énergie, son temps à retrouver chaque pièce du puzzle que sont ses origines. Ce projet est loin d’être terminé, et la photographe souhaite encore l’approfondir et lui trouver une forme plus pérenne à terme. En attendant, vous pouvez retrouver son travail sur son site internet ou sur son compte Instagram.

N’hésitez surtout pas à nous donner votre avis et votre ressenti face à ce travail de recherche colossal dans les commentaires un peu plus bas. Nous les lirons et répondrons à vos questions avec grand plaisir !


Gobelins aura diplômé 35 photographes passionné·es en 2020. Chacun d’entre nous a eu la chance d’exposer aux anciennes douanes de Paris en septembre dernier. Cependant, au vu du contexte sanitaire, seulement une très petite sélection de personnes aura eu l’occasion de venir nous rendre visite. Aussi je souhaitais vous partager ces réalisations, projet par projet, article par article. Celui-ci est le troisième d’un premier cycle ayant pour thème La Famille. Le précédent présentait le travail de Sandrine Prély : Je pensais que j’y perdrais Danielle.

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Posted by:Lauréline Reynaud

Photographe beauté diplômée de l'une des plus grande écoles de photographie Parisienne (Gobelins, l'école de l'image), je considère mon blog et mes réseaux comme un journal. J'y relate mes 5 années d'études et ma professionnalisation : retours d'expériences, conseils et astuces de prise de vue ou de retouche, curation de contenu et inspirations, discussions Business, etc.

6 pensées à propos de “ The Prairie State : les recherches généalogiques de la photographe Laura Huguet ”

  1. Quel bel article ! Et que de belles images aussi. Ton article me parle. J’ai moi aussi cherché très longtemps mes origines. Pas pour les mêmes raison que Laura. Mais, du coup, je comprends ses démarches et la représentation qu’elle en fait à travers ce projet est magnifique !

  2. Coucou,

    J’aime beaucoup ton article et l’histoire ! Les photos sont d’ailleurs très belles ! Je me suis posée la question aussi de mes origines profondes, j’aimerais bien connaître précisément mon arbre généalogique !

    Belle journée,
    Laura – Happy Lobster

    1. Hello! Si besoin d’un coup de main pour les recherches personnel ca serait avec grand plaisir que je t’aiderais! Si besoin, un petit message via instagram 🙂

  3. Les recherches sur les histoires familiales sont toujours très fortes je trouve. Et là, la sceno a effectivement l’air dingue. J’aurais adoré la voir de mes yeux

  4. C’est une histoire passionnante ! je trouve cela incroyable que, grâce à ses origines, la photographe ai réussi à en faire un projet ! C’est très profond. J’espère qu’elle terminera vite son projet !

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